L’étrange diplomatie des réseaux sociaux et l’instrumentalisation de la journée du 17 octobre par des « machann peyi », scandent jeudi des manifestants
Par un geste qui a tout de la routine politique, mais qui est déguisé en événement majeur, Dominique Dupuy, ministre de facto des Affaires Etrangères d’Haïti, a annoncé avec une solennité presque théâtrale sa participation à la commémoration de l’anniversaire de l’assassinat de Jean-Jacques Dessalines. Ce tweet, que d’aucuns qualifieraient d’ordinaire, révèle néanmoins une étrange obsession de la visibilité dans un contexte où le devoir officiel devrait être la norme et non l’exception. Certes, rendre hommage à Dessalines, figure incontournable de l’indépendance, est louable, mais est-il vraiment nécessaire de l’annoncer en grande pompe sur les réseaux sociaux ?
N’est-ce pas un aspect obligatoire de la fonction de ministre des Affaires Etrangères ? Mme Dupuy n’est-elle pas grassement payée aux frais de l’État pour représenter la nation à de telles cérémonies ? Un tweet pour annoncer sa présence sur place auprès de Voltaire et de Conille ? « Se bagay ti mounri se jwèt manje tè! Voilà un exemple parfait de l’ère numérique, où tout devient affaire de communication, d’instrumentalisation même le simple exercice de ses responsabilités. Ce n’est pas un exploit, Madame Dupuiy, de participer à une cérémonie officielle : c’est votre devoir. Yo peye ‘w pousa.
La situation devient encore plus cocasse lorsque le PM Garry Conille, sans doute poussé par un besoin soudain de montrer son attachement à cette « grande politique terre à terre », choisit de retweeter l’annonce de Mme Dupuy. Mais vraiment, Dr Conille, est-ce là le summum de la diplomatie moderne ? Un simple retweet pour montrer votre soutien indéfectible à une ministre qui, de surcroît, fait ce pour quoi elle est payée ? Qu’est-ce que c’est que cette mascarade ? Vous entraînez la République dans les méandres d’une communication vide de sens alors que vous venez de rentrez au pays, après avoir demandé à des forces étrangères de venir « sauver » Haiti, comme si vous ne saviez pas pourquoi la capitale est sous le contrôle de gangs. Et ne faites pas semblant de l’ignorer, car tout le monde sait très bien qu’il s’agit d’un plan, comme l’a déclaré l’archevêque de Port-au-Prince. « Y-a-til un plan de destruction d’Haïti » ?
A juste titre, on peut se demander si ce tweet, cette cérémonie et cette omniprésence sur les réseaux sociaux ne sont pas la façade d’une politique beaucoup plus inquiétante. Quand on sait que 218 ans après l’assassinat de l’Empereur Dessalines, Haïti en est encore à faire appel à des forces étrangères pour rétablir l’ordre, cela paraît bien dérisoire. Qu’aurait pensé Dessalines, qui s’est battu pour une indépendance totale, d’une telle dépendance ? Et voilà que des leaders comme Dupuiy et Conille se réclament cyniquement de son héritage, tout en s’éloignant de ses idéaux.
Vous parlez de Dessalines, Mesdames et Messieurs, comme si vous étiez les dignes héritiers de sa vision. Mais soyons honnêtes : Dessalines, celui-là même que vous et Leslie Voltaire célébrez en grande pompe, jeudi, serait-il fier de voir ce que vous faites à sa nation ? Vous, qui revenez d’un voyage à l’étranger, vous suppliez la présence de forces extérieures, alors que la capitale est livrée à la violence. Vous savez mieux que quiconque qu’il y a un plan.
La dernière trouvaille de ce gouvernement de « patriotes » est la formation d’un Conseil Electoral Provisoire sans fin (CEP) de 7 membres, une fois de plus en contradiction flagrante avec la Constitution de 1987, qui stipule que le CEP doit être composé de 9 membres. Qu’est-il advenu de l’intégrité institutionnelle ? En 1990, sous un CEP accommodant, Haïti a tenu ses premières et seules élections véritablement libres depuis l’assassinat de Dessalines en octobre 1806. Et aujourd’hui, avec ce CEP moribond de 7 membres, vous manifestez votre volonté de tirer un trait sur cet héritage démocratique, sous le regard approbateur de M. Voltaire, qui trouve cela acceptable. Est-ce la politique que vous défendez, Madame Dupuy ? C’est ce que vous avez voulu nous faire croire avec votre tweet pompeux ?
Mesdames et Messieurs, il est temps d’arrêter cette farce. L’histoire nous regarde. Des citoyens sérieux, conscients des enjeux historiques, vous regardent. Et Dessalines se retournerait dans sa tombe devant une telle indignité. Alors, arrêtez cette mascarade. Il n’est pas trop tard pour redresser la barre, mais cessez de faire de la République le terrain de jeu de vos stratégies politiques mal conçues et de vos communications superficielles. Sispan’n fe jwèt manje tè!
cba
Garry Conille reposted